Test Fallout : New Vegas (PC) : 7/10 sur JeuxVideo.fr

Le contrat �tait clair : Obsidian, invit� � remettre sur l��tabli la s�rie post-apocalyptique, n�avait pas pour mission de renouveler le concept (on ne change pas une formule qui marche). Se glissant scrupuleusement dans le costume de Bethesda, le d�veloppeur r�cite ses gammes sur la franchise en bon �l�ve habitu� � l�exercice de la reprise (remember Kotor 2 et Neverwinter Nights 2)... Mais il s'agit �galement d'un juste retour des choses, puisque ce jeu est le moment des retrouvailles entre la s�rie et certains de ses cr�ateurs pass�s depuis chez Obsidian. Le sc�nario est � l�avenant, situant l�action dans la continuit� des deux premiers �pisodes dans un esprit de retour aux sources. D�s la s�quence d�intro, le joueur se retrouve dans la peau d�un � postier � survivant par miracle � son assassinat : il se lance fort logiquement � la poursuite de ses meurtriers dans une qu�te qui le m�nera jusqu�� New Vegas, alors qu�une guerre menace d��clater � chaque instant entre la Nouvelle R�publique de Californie et la L�gion, arm�e d�esclavagistes men�e par un despote en puissance. Au joueur de choisir � qui iront ses faveurs� � pitch prometteur, promesses tenues ?


Nous aurions aim� r�pondre sans r�serve par un � oui � enthousiaste� mais ce serait ignorer la pl�tr�e de bugs et autres probl�mes techniques, beaucoup trop fr�quents, qui entachent l'exp�rience de jeu. Dans le mic-mac des probl�mes de collisions, de scripts et de textures, c�est le nombre cons�quent de qu�tes cass�es et les plantages aux chargements et sauvegardes qui ont failli avoir d�finitivement raison de notre patience. New Vegas est �galement desservi par de nombreux freeze, chutes de framerate inexplicables et temps de chargement interminables qui hachent s�rieusement le rythme de la progression (mais qui sont fort heureusement absents de la version PC). Tous ces constats sont d�autant plus dommageables pour l�exp�rience de jeu que la premi�re partie de l�aventure n�est pas vraiment inspir�e.

En longue introduction � la substantifique moelle de son r�cit, la premi�re phase d��oit par son manque de tenue. La trame sc�naristique fonctionne d�abord par � �pisodes �, chaque nouvelle ville �tant l�occasion d�un ensemble de qu�tes autonome et d�li�. Pendant les dix premi�res heures, on peine � sentir les articulations qui tiennent ensemble le territoire et l�histoire, le fil rouge du r�cit fonctionnant � demi-r�gime au d�part... et l'on s'inqui�te : les qu�tes d�nu�es d'enjeux se suivent sans �clat, et le joueur impatient les encha�ne m�caniquement en attendant New Vegas comme une d�livrance. Quand � l'interface, elle n'est pas du tout pratique � la manette et nous refait le coup de Fallout 3, point sur lequel la version PC s'en sort logiquement mieux. La r�alisation de cette derni�re est �galement moins pourrie, mais ne peux rien changer ni au moteur graphique grabataire ni � la direction artistique arthritique.

Sur le point de l�inspiration esth�tique justement, Obsidian s�che compl�tement. Le level-design � � la truelle � fait s��taler les plaines et vall�es en coul�es, et les vilaines textures rivalisent de mauvais gout. La disposition des b�timents dans les villes laisse �galement un peu perplexe. En g�n�ral, les d�cors peinent � se rassembler en � visions ï¿½, malgr� la belle distance de vue. Au rayon des dol�ances pr�visibles vu l�ascendance du titre, on notera sans surprise les animations archa�ques et les mod�lisations de personnages pas tr�s heureuses. Si l�antique moteur graphique h�rit� d�Oblivion n�est d�aucune aide dans la d�route esth�tique de l�ensemble, les zones deviennent cependant de plus en plus int�ressantes, coh�rentes et vari�es � mesure que le r�cit conquiert et peuple les marges de sa carte (des montagnes, une rivi�re) et qu�il investit pleinement New Vegas. Le jeu est bien inspir� de faire volte-face � l�approche de sa � capitale ï¿½, car il y gagne une consistance dont il ne se d�partira plus.




En arrivant dans la ville du titre, laide et kitsch comme il se doit pour un lieu de perdition capitaliste, on avance en gagnant le respect et l�affection des diff�rents groupes afin d�avoir une prise sur les d�cisions de leurs leaders. La r�putation se gagne en r�alisant des qu�tes qui proposent souvent leur lot d�action, et sur ce terrain du gameplay, le jeu est impeccable. Reprenant � Fallout 3 la jouabilit� FPS ou tour par tour au choix, les combats sont toujours aussi jouissifs, surtout en mode VATS auquel le jeu nous incite plut�t, que l�on choisisse de se sp�cialiser dans les armes � feu, les explosifs, le corps � corps ou les armes � �nergie.

Progr�s notable : les caract�ristiques S.P.E.C.I.A.L. et les comp�tences deviennent pr�pond�rantes dans le roleplay, et permettent � de nombreuses reprises de d�bloquer des cheminements singuliers. Il est d�autant plus plaisant de tirer parti de cet enrichissement dans les interactions que les sc�nes obtenues sont souvent � la hauteur en termes de qualit� d��criture et de situations : on pourra par exemple s�attacher les services d�un side-kick, ou bien d�bloquer les confidences tant�t croustillantes, tant�t dramatiques des personnages non joueurs peuplant notre p�riple. Bien souvent, c�est par ces voix de traverse que l�on acc�dera en profondeur aux couches les plus passionnantes du r�cit, qui par ailleurs tiendra le joueur en haleine pour plus de 20 heures avec sa qu�te principale, et pendant une trentaine d'heures pour les compl�tistes, soit une dur�e de vie cons�quente pour une galette pleine � craquer.

Au rayon des ajouts, on notera �galement la possibilit� de fabriquer soi-m�me ses munitions et sa nourriture sur des ateliers de crafts, �largissant le champ de l�artisanat du pr�c�dent �pisode ; mais on n�y pr�tera qu�un int�r�t distrait au fil du jeu tant les ressources sont pl�thoriques, dans la tradition des productions Bethesda. Le jeu fait �galement un pas vers le gameplay de survie auquel son univers se pr�te de fa�on �vidente, en proposant avec son mode Hardcore un challenge int�ressant (crasse de choix : dormir ne soigne plus les points de d�g�ts), m�me s�il ne transcendera pas non plus l�exp�rience de jeu. Ces quelques ajouts plaqu�s sur la surface du jeu sont plus de l�ordre de la justification du nouvel �pisode que d�un v�ritable progr�s. On n�en tiendra pas rigueur � Obsidian, au regard de la plus belle qualit� de son titre: un �quilibrage remarquable entre narration et libert� d�action et de choix. A cet �gard l�intelligence du d�veloppeur, c�est de s��tre appuy� (plut�t que repos�) sur les forces de Fallout 3 et de son gameplay �prouv� pour se consacrer surtout � l��criture d�une histoire unique en langage � jeu vid�o ï¿½.




La qualit� de son gameplay �tant gagn�e d'avance (merci Fallout 3), l�enjeu sp�cifique de cette suite tenait � son approche de la libert�, dont chaque jeu de r�le occidental propose une interpr�tation. Et c�est dans son attention pr�t�e aux cons�quences des choix du joueur que New Vegas se d�marque, une attention de chaque instant qui se mesure dans le d�tail (r�action imm�diate des PNJs), et qui peut porter tr�s loin (modification des �quilibres de force entre les factions). Pour chaque choix effectu�, la narration se d�ploie en "moments" dialogu�s admirablement bien �crits, permettant au joueur de prendre la pleine mesure de sa d�cision.

A l'�chelle la plus petite, cela donne souvent des sc�nes dont la port�e dramatique est parfaitement restitu�e, immergeant le joueur dans le r�cit tout en lui procurant la grisante sensation d�avoir une prise sur l'histoire � son niveau le plus radical (Quelle faction, quelle personne aura nos faveurs pour gouverner ? Qui aura ce fichu barrage et le contr�le de l�eau ?). Les factions sont, quant � elles, passionnantes � d�couvrir et � c�toyer : clairement d�finies, camp�es avec go�t par des personnages cr�dibles et fid�les � eux-m�me tout au long du jeu, elles sont le c�ur vivant de cette histoire, ainsi que son ind�fectible solidit�. En fin de parcours, quelques qu�tes mettant en sc�ne des moments cl�s de notre rapport avec leurs dirigeants font m�me figure de mod�le du genre, par leur originalit� dans le cadre d'un RPG et leur intensit� (nous n'en dirons pas plus!).

La structure des qu�tes est elle-m�me remarquable, en net progr�s au cours du jeu : � la logique de dispersion et de disjonction des histoires de la premi�re partie succ�de un r�seau de gros blocs de qu�tes (correspondant grosso modo aux factions) qui lie les trames sc�naristiques et �tablie les circulations entre elles. Le syst�me de r�putation, incons�quent jusque l�, devient le nerf de la guerre, et New Vegas gagne un espace et des enjeux consid�rables, gonflant de simple course poursuite revancharde jusqu'aux hautes sph�res des conflits g�o-politiques. D�s lors, la satisfaction ressentie lorsque l�on gagne les faveurs d�une faction que l�on a choisi d�aider est redoubl�e par le constat que le monde accuse vraiment le coup de notre choix en se modifiant profond�ment en cons�quence. R�ussir � faire s�imbriquer de la sorte sensation de libert� et narration forte �tait un v�ritable tour de force de la part d�Obsidian. Et sur un march� plus que fourni en RPG proposant du gros free-roaming de base et le quota de qu�te sur fond d�enjeu st�r�otyp�, ce souffle �pique de la destin�e dont le joueur se sent la main arm�e fait tout l�int�r�t de ce jeu et toute son importance.


Avis aux joueurs qui savent serrer les dents quand sonne le clairon de la l�gion des bugs : Fallout : New Vegas propose une exp�rience profonde et gratifiante durant au moins une bonne vingtaine d'heures de jeu. Il faut prendre la mesure de ce qu�accomplit ce New Vegas, projet lest� par son horizon d�exploitation de licence juteuse, sa finition honteuse et sa direction artistique t�tonnante. En d�pit de ces d�fauts, et fort d'un game design de qualit� assur� par le pr�c�dent �pisode, le joueur fait l�exp�rience de ce qu�un RPG bien �crit et bien construit peut r�ussir de mieux : faire vivre un passionnant r�cit comme une exp�rience participative, et non plus comme une exp�rience par procuration. Quelque part, c'est aussi ce � quoi le jeu vid�o narratif peut aspirer de plus grand.

Joueurs PC, prenez note de la configuration n�cessaire pour jouer confortablement au jeu : un Core 2 Duo 2 GHz, 2 Go de m�moire vive et une carte GeForce 7800GT, soit rigoureusement la m�me que pour le pr�c�dent �pisode. Encore heureux!